Lorsque vous projetez d’acheter une entreprise sous forme de société (SARL, SAS, etc.), il y a deux options : acheter le fonds de commerce auprès de la société qui l’exploite, acheter les titres de la société exploitante auprès des associés de cette dernière.
Comprenez bien les différences entre ces deux options et ce que cela implique avec Gilles Bösiger (profil LinkedIn), expert-comptable, commissaire aux comptes et associé chez Stengelin en charge de l’ingénierie patrimoniale.
Achat d’entreprise : fonds de commerce ou titres ?
Lorsque vous projetez d’acheter une entreprise, vous pouvez tomber sur deux sortes de vendeurs. Celui qui exploitait l’entreprise en nom propre, et celui qui l’exploitait sous forme de société (SARL, SAS etc…).
Dans la première hypothèse, le vendeur va vous céder le fonds de commerce qu’il détient.
Dans le second cas, il y a deux options:
- soit vous achetez le fonds de commerce auprès de la société qui l’exploite,
- soit vous achetez les titres de la société exploitante auprès des associés de cette dernière.
Fonds de commerce vs. titres : quelle différence ?
Pour bien comprendre la différence, il est important de revenir sur les fondamentaux de ce qu’est une société. Une société est ce qu’on appelle en droit, une personne morale, ce qui sous-tend qu’elle est indépendante de ses associés et dirigeants que l’on appelle personnes physiques.
Concrètement, cela veut dire que les patrimoines sont distincts :
- d’un côté chaque associé a son propre patrimoine personnel,
- de l’autre, il y a le patrimoine de la société.
Et dans le patrimoine des associés, nous retrouvons les titres de la société qui sont un actif pour eux au même titre qu’un bien immobilier par exemple.
Dans le patrimoine de la société, vous allez avoir un ensemble d’actifs et de passifs.
Il y a bien évidemment le fonds de commerce, c’est-à-dire l’entreprise que vous souhaitez racheter, mais aussi un ensemble d’autres actifs et passifs, c’est-à-dire des créances, des dettes de la trésorerie. Il peut également y avoir d’autres fonds de commerce.
Dit autrement : acquérir le fonds de commerce, c’est acheter l’un des actifs de la société.
Acquérir les titres, c’est acheter l’intégralité du patrimoine de la société, soit tous les actifs et tous les passifs.
Quelles conséquences ?
Si vous achetez le fonds de commerce, vous récupérez un seul actif de la société, ou plus exactement ce qu’on appelle une universalité sélective, qui regroupe plusieurs actifs nécessaires à l’exploitation : la clientèle, le bail, l’enseigne, le équipements, machines, mais aussi le personnel.
Sur le principe, il n’y a donc pas de passif, de dettes, dans le fonds de commerce. Il y a toutefois quelques exceptions à ce principe, notamment au niveau social, où vous avez l’obligation de récupérer les dettes inhérentes aux salariés transférés : l’ancienneté, les congés payés. Autre exception : l’acquéreur du fonds de commerce est, dans certaines limites, solidaire du cédant sur les dettes fiscales. Et, il peut se retrouver redevable de certaines dettes en cas de non-respect des obligations de publicité de la cession.
En dehors de ces exceptions, l’achat du fonds de commerce permet donc de repartir de 0, et pour l’acquéreur de ne gérer que les actifs et les passifs issus de sa propre exploitation de l’entreprise. Il n’a par exemple pas à assumer le recouvrement des créances antérieures, c’est l’affaire de l’ancien propriétaire exploitant.
Si vous achetez les titres de la société, vous reprenez l’intégralité du patrimoine, tous les actifs, tous les passifs, c’est-à-dire évidemment le fonds de commerce, mais aussi les créances, la trésorerie ou encore les passifs antérieurs.
Un exemple concret ?
Alors un exemple classique : vous achetez une entreprise au en 2021, et l’administration fiscale souhaite contrôler les déclarations fiscales de l’entreprise de l’année 2020, donc une période sur laquelle vous n’étiez pas l’exploitant.
Si vous avez acquis le fonds de commerce, vous ne serez pas concernés par le contrôle qui sera réalisé directement auprès de l’ancien exploitant, soit lui-même s’il exercé en nom propre, soit indirectement au niveau de sa société cédant dont il a conservé les titres.
En revanche, si vous avez acheté les titres de la société, et bien du point de vue de l’administration fiscale, l’exploitant direct n’a pas changé entre 2020 et 2021, c’est la société qui fera donc l’objet du contrôle. Et vous, en qualité d’actuel dirigeant de la société, devrez assumer le contrôle fiscal et ses conséquences financières, alors même que durant la période concernée (2020) vous n’étiez pas présent. Mais en achetant les titres, vous avez récupéré l’intégralité des passifs, les risques fiscaux en font partie.
N’est-il donc pas préférable de racheter le fonds de commerce ?
Alors évidemment, après un tel exposé, l’acquisition du fonds de commerce semble plus prudente car elle permet de bien séparer la responsabilité et de la conséquences de la gestion de chacun : c’est chacun son temps, chacun chez soi.
Dans les faits, l’acquisition du fonds de commerce entraine des difficultés techniques qui s’avèrent parfois décourageante :
- Comme il y a changement d’exploitant, les contrats vont devoir être transférés, et ce transfert peut être contrarié par l’existence de clauses d’agrément, par exemple le bail commercial, les contrats de fournisseurs etc…
- Le numéro SIREN de l’entreprise va changer puisqu’il est lié à l’exploitant et non au fonds de commerce.
- Autre exemple de difficulté, la définition du fonds de commerce étant très générale, la liste des biens meubles corporels et incorporels à transférer peut donner lieu à discussion et doit donc être arrêtée avec précision.
Bref, cela fait pas mal de complications supplémentaires au moment où l’on a envie de se consacrer à son projet professionnel.
Existe-t-il une solution « hybride » ?
Si l’on veut acquérir les titres de la société pour s’éviter toutes les contraintes que nous venons d’énumérer, tout en maintenant les risques de la gestion antérieure sur la tête du cédant, la solution est de conclure une convention de garantie d’actif et passif, la « GAP ».
La GAP est un contrat qui détermine les règles de gestion relatives aux actifs et passifs antérieurs à la cession. Par exemple, dans ce contrat, le cédant des titres s’engage à assumer financièrement tous les dettes issues de sa propre gestion qui n’étaient pas intégrées dans le passif de la société à la date de transmission.
Dans l’exemple du contrôle fiscal, le cédant aura l’obligation contractuelle de vous indemniser à hauteur de l’éventuel redressement subi par la société que vous avez reprise, car ce redressement porte sur une période où l’exploitant indirect étant le cédant
La GAP va également détailler les règles relatives à la gestion des créances antérieures, notamment leurs modalités de recouvrement.
Ainsi, sur le principe, la GAP semble régler tous les problèmes : vous rachetez les titres d’une société, mais les passifs antérieurs sont supportés par le cédant.
Toutefois, la GAP est un dispositif qui peut s’avérer complexe à mettre en œuvre. L’un des points clés de la négociation de la GAP est la contre-garantie.
En effet, vous pouvez avoir une GAP parfaitement rédigée et très favorable à vos intérêts, mais si par exemple au moment de sa mise en œuvre le cédant a disparu de la circulation, vous ne serez pas indemnisés. La contre-garantie sert donc à préserver vos intérêts. En général, il va s’agir d’une caution d’un banque, ou alors d’une partie du prix de cession qui n’aura pas été versée au cédant et qui sera séquestrée pendant une certaine période.
En conclusion
Dans les faits, le choix entre les deux modalités, cession du fonds de commerce ou cession des titres, appartient plutôt au cédant. C’est souvent lui qui va imposer le choix à l’acquéreur notamment pour des considérations fiscales et patrimoniales propres. En tant qu’acquéreur, rarement vous aurez le choix.
Ceci dit, il est essentiel de bien intégrer les différences juridiques et de philosophiques entre ces deux régimes, et l’impact qu’ils ont sur votre niveau d’engagement. D’un côté, bien maîtriser les particularités techniques d’un transfert de fonds de commerce, de l’autre, bien négocier de la garantie actif-passif en cas de cession de titres.
Envie d’en savoir plus ? Contactez nous 🙂